04/11/2025 ssofidelis.substack.com  8min #295355

 Mamdani et ses (nos) ennemis

Qui, des candidats américains en campagne, refusent l'argent de l'Aipac en déclin ?

Le membre démocrate du Congrès américain, Seth Moulton, a annoncé son intention de restituer les dons reçus de l'AIPAC. (Photo © via Moulton X Page)

Par Robert Inlakesh pour  The Palestine Chronicle, le 3 novembre 2025

Alors que l'opinion publique américaine continue de se retourner contre Israël, le paysage politique américain subit également une transformation radicale. L'AIPAC, autrefois considéré comme un atout dans les campagnes électorales, devient aujourd'hui un handicap, suscitant l'émergence d'une nouvelle génération de politiciens qui démontrent leur sincérité en refusant d'être achetés par le lobby israélien.

Si le candidat à la mairie de New York, Zohran Mamdani, a peut-être reçu le plus d'attention pour ses positions pro-palestiniennes, il n'est en aucun cas le seul. En fait, il est rejoint par d'innombrables autres candidats qui font de leur position anti-génocide un moyen de se rapprocher de leur électorat.

Tous les sondages faisant autorité suggèrent que la majorité des électeurs démocrates ont actuellement une opinion plus favorable des Palestiniens qu'Israël. Selon un récent sondage Gallup, 92 % des démocrates se sont par exemple déclarés opposés à l'offensive militaire à Gaza. Cependant, la capacité des candidats à refuser le financement du lobby israélien et à s'exprimer librement sur la question ne se limite pas au simple consensus des électeurs sur une seule question de politique étrangère.

En effet, refuser l'argent de l'AIPAC semble devenir une condition préalable à toute candidature authentique, renforçant ainsi la conviction du public que le candidat concerné s'efforcera réellement de tenir ses principales promesses électorales. En d'autres termes, l'AIPAC est synonyme de corruption, et être pro-palestinien est synonyme d'authenticité.

L'une des campagnes les plus réussies de cette nouvelle génération de politiciens est celle de Graham Plater, un Démocrate qui se présente au Sénat américain pour le Maine. Dans ses spots de campagne, il promeut la devise "Mainers First" (les habitants du Maine d'abord), axée sur la classe ouvrière et s'opposant explicitement au soutien de Washington au génocide à Gaza. Il a publiquement rejeté les fonds de l'AIPAC, contrairement à la sénatrice Susan Collins qui cherche à le détrôner qui a reçu au moins 893 372 dollars de ce lobby.

Le membre démocrate du Congrès américain, Seth Moulton, a annoncé son intention de restituer les dons reçus de l'AIPAC. (Photo © via Moulton X Page)

Platner est un ancien marine vétéran de quatre missions sur le terrain, qui est également ostréiculteur. Malgré les innombrables tentatives de la part de l'establishment du Parti démocrate et du lobby israélien pour susciter des controverses et saper sa campagne, le candidat progressiste reste en tête des sondages, devant sa principale adversaire démocrate, la gouverneure du Maine, Janet Mills.

Si la montée de l'opinion pro-palestinienne s'observe principalement chez les Démocrates, on constate également une évolution notable chez les Républicains. Les données du sondage Pew Research montrent que si les opinions défavorables s'élèvent globalement à environ 23 % chez les républicains, 50 % des 18-49 ans ont déclaré avoir une opinion défavorable d'Israël.

Des personnalités telles que la représentante Marjorie Taylor Greene, le représentant Thomas Massie et le représentant Matt Gaetz tirent parti de cette évolution et se sont tous explicitement opposés à l'AIPAC. Leur message sur cette question est le suivant : ils sont "America First", contrairement à leurs collègues républicains qu'ils accusent d'être "Israel First". Ces représentants s'alignent sur des chroniqueurs conservateurs populaires tels que Candace Owens et Tucker Carlson qui tiennent le même discours.

Aujourd'hui, la notion de l'Amérique d'abord et les slogans tels que "Les habitants du Maine d'abord" transcendent les clivages partisans. Donner la priorité aux intérêts des Américains plutôt qu'à ceux d'Israël était un sujet tabou, mais il a été mis à mal pendant la campagne primaire démocrate pour la mairie de New York.

Interrogé sur les premières mesures envisagées s'il est élu, Zohran Mamdani a répondu calmement : "Je serai à New York. Mon intention est de m'adresser aux New-Yorkais des cinq districts et d'axer mes priorités sur eux". Bien qu'il ait ensuite été mis au défi à plusieurs reprises et invité à reconnaître Israël en tant qu'État juif, ce qu'il a refusé de faire en raison de son opposition aux systèmes de hiérarchie ethnique ou religieuse, cet échange est devenu viral et a recueilli un large consensus parmi les Démocrates et les Républicains.

Parmi les autres candidats au Congrès ouvertement anti-AIPAC, on peut citer :

Robb Ryerse dans le troisième district de l'Arkansas, où il cherche à détrôner Steve Womack, qui a reçu 142 030 dollars du lobby israélien. En Californie, Chris Bennet se présente dans la 6è circonscription, Mai Vang dans la 7è, Saikat Chakrabarti dans la 11è, Chris Ahuja dans la 32è et Angela Gonzales-Torres dans la 34è.

Dans le Colorado, Melat Kiros se présente dans le premier district, tout comme John Padora dans le 4è. En Floride, Bernard Taylor se présente dans le 21è district, Elijah Manley dans le 20è, Marialana Kinter dans le 7è et Oliver Larkin dans le 23è.

Dans l'Illinois, Robert Peters se présente dans le 2è district, Junaid Ahmed dans le 8è, Morgan Coghill dans le 10è et Dylan Blaha dans le 13è. Dans l'Indiana, Jackson Franklin se présente dans la cinquième circonscription et, dans le Massachusetts, Jérôme Whalen se présente dans la première.

Jakeya Johnson brigue le quatrième district du Maryland, Donavan McKinney le treizième district du Michigan et Kyle Blomquist le premier. Dans le Missouri, la célèbre candidate progressiste Cori Bush se présente dans le premier district et Hartzell Gray dans le 4è.

Heath Howard est candidat dans le premier district du New Hampshire et Katie Bansil dans le 6è du New Jersey. James Lally se présente dans le 3èdistrict du Nevada, Aftyn Behn dans le 7è du Tennessee et Zeefshan Hafeez dans le 33è du Texas.

Kshama Sawant est également en lice pour le 9è district de Washington, Aaron Wojchiechowski pour le 5è du Wisconsin et Brit Aguirre pour le 1er de Virginie-Occidentale.

Abdul El-Sayed se présente au Sénat dans le Michigan et Karishma Manzur est candidate dans le New Hampshire. Tous deux rejettent le financement de l'AIPAC et s'opposent au génocide en cours.

De nouveaux outils, comme  AIPAC Tracker, font désormais la promotion de candidats qui refusent les financements du lobby israélien et ont créé un site permettant aux citoyens de faire des dons à ces politiciens anti-AIPAC. AIPAC Tracker a joué un rôle particulièrement crucial dans la sensibilisation du public grâce à des infographies illustrant les sommes versées par le lobby israélien à chaque politicien.

Bien que la plupart des campagnes anti-AIPAC soient menées par des Démocrates progressistes, il est clair que la mauvaise réputation du lobby israélien a également un impact majeur sur les Démocrates traditionnels.

Au début du mois, l'AIPAC semblait ainsi traverser une crise existentielle après l'annonce de l'éminent législateur Seth Moulton, qui a déclaré qu'il n'acceptera pas de fonds du groupe de pression et qu'il lui restituera même les contributions reçues.

Moulton a déclaré officiellement avoir pris cette décision en raison de l'alignement de l'AIPAC sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Que ce démocrate, plutôt conservateur en matière de politique étrangère, désavoue publiquement l'AIPAC témoigne mieux que tout autre chose de la toxicité de cette organisation.

En 2024, l'AIPAC a crié victoire après avoir réussi à faire tomber le représentant progressiste démocrate Jamaal Bowman, connu pour ses opinions pro-palestiniennes, lors de la "primaire la plus coûteuse de l'histoire" des États-Unis. À l'époque, l'AIPAC a dépensé au moins 14,5 millions de dollars en propagande anti-Bowman par le biais de son seul comité d'action politique, United Democracy Project.

Plus d'un an plus tard, le lobby israélien semble avoir déboursé des dizaines de millions de dollars pour une victoire à la Pyrrhus. Bien que les groupes de pression sionistes aient injecté des sommes sans précédent pour continuer à corrompre des élus américains, leur stratégie est en train de s'effondrer.

Avec le temps, de plus en plus d'Américains de tous bords commencent à établir un lien entre le soutien à Israël et la corruption politique. Le test décisif pour savoir si un politicien est vraiment prêt à représenter ceux qui l'ont élu au pouvoir est sa position sur la Palestine, et plus précisément sur Gaza.

Plus Israël s'ingère dans les affaires intérieures américaines, exige la répression de la liberté d'expression, fait adopter des lois anticonstitutionnelles, reçoit des milliards de dollars provenant des contribuables pour financer ses guerres d'agression, expulse illégalement ses détracteurs et entraîne les États-Unis dans de nouveaux conflits à l'étranger, plus l'opposition américaine au lobby israélien s'amplifie.

Récemment, le journaliste Matthew Eadie, basé dans l'Illinois, a révélé que l'AIPAC a recours à de nouvelles stratégies pour redorer son blason, en encourageant les dons anonymes par le biais de campagnes de financement ciblées.

Une série de "campagnes secrètes de l'AIPAC" a soutenu Hakeem Jeffries, chef de la minorité à la Chambre des représentants des États-Unis, surnommé "AIPAC Shakur" par l'animateur de radio Charlamagne tha God. Des liens permettant de faire des dons ont été partagés, mais ils n'apparaîtront pas comme un soutien direct de l'AIPAC. Ils restent toutefois identifiables et contrôlables par le lobby israélien.

Les militants sur les réseaux sociaux dénoncent activement ces pratiques, qu'ils qualifient de malhonnêtes, attisant ainsi une colère généralisée contre le lobby. Pourtant, de telles manipulations témoignent du malaise de l'AIPAC, notamment dans un contexte où les pressions pour sa désignation en tant qu'agent étranger se multiplient.

Traduit par  Spirit of Free Speech

* Robert Inlakesh est journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires. Il s'intéresse principalement au Moyen-Orient, en particulier à la Palestine. Il a contribué à cet article pour The Palestine Chronicle.

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